N’y a t-il que moi pour lire dans cette reprise du Temps des cerises par Noir Désir, en 2008, une évocation explicite de la tragédie humaine vécue de l’intérieur par Bertrand Cantat ?
Quand nous chanterons le temps des cerises / Et gai rossignol, et merle moqueur / Seront tous en fête ! / Les belles auront la folie en tête / Et les amoureux du soleil au cœur ! / Quand nous chanterons le temps des cerises / Sifflera bien mieux le merle moqueur !
Lui qui, un an plus tôt, quittait sa geôle avec l’interdiction de s’exprimer publiquement sur l’affaire Trintignant. Que chantait-il d’autre, sous la forme d’un dernier pied de nez, pour montrer que cette malheureuse histoire était déjà écrite, pour lui et pour d’autres ?
Mais il est bien court, le temps des cerises / Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant / Des pendants d'oreilles... / Cerises d'amour aux robes pareilles / Tombant sous la feuille en gouttes de sang... / Mais il est bien court, le temps des cerises / Pendants de corail qu'on cueille en rêvant !
Qu’y a-t-il d’autre, dans cette interprétation, que l’expression d’un sentiment de gâchis, d’une douleur incommensurable ? Le choix de cette chanson ne doit rien au hasard. Qui pouvait l’empêcher de reprendre cette chanson écrite en 1866 ? Des mots intemporels, hier associée à la Commune de Paris de 1871,qui parlent aujourd’hui d’un homme blessé d’avoir tué celle qu’il aimait.
Quand vous en serez au temps des cerises / Si vous avez peur des chagrins d'amour / Evitez les belles ! / Moi qui ne crains pas les peines cruelles / Je ne vivrai pas sans souffrir un jour... / Quand vous en serez au temps des cerises / Vous aurez aussi des peines d'amour !
En juillet 2003, dans l’avant-canicule, les cerises étaient bien mûres, et on les croquait à pleines dents. De ce temps-là, il reste bien des souvenirs et un besoin de consolation impossible à rassasier comme disait l’autre.
J'aimerai toujours le temps des cerises / C'est de ce temps-là que je garde au cœur / Une plaie ouverte ! / Et dame Fortune, en m'étant offerte / Ne saura jamais calmer ma douleur... / J'aimerai toujours le temps des cerises / Et le souvenir que je garde au cœur !
N’y a t-il que moi pour y entendre ce cri du cœur ? Rien ni personne n’empêchera jamais un homme de pleurer un amour perdu.