A votre tour. L'œil de l'ours s'ouvre à ceux qui ne se lassent pas de trinquer autour de quelques mots, d'une image. Envoyez un texte, une photo, ou un texte accompagné d'une photo à l'adresse loeildelours@gmail.com. De façon parfaitement arbitraire, votre contribution sera publiée, ou pas, dans cette rubrique participative comme on dit quand on est de gauche. Un seul mot d'ordre : "Liberté, intensité, fantaisie". A vous lire.
Le déchirement de la chair sous les dents de la douleur blanche et régulière comme la marque que tu y laisses, est une sensation oubliée.
Le sentiment qu'il provoque aussi. Il faut reprendre du début.
L'arrivée et la rencontre rassemblées.
J'ai pénétré dans la pièce. Tu avais les cheveux plus courts et je les préfère longs. Mais le sourire était le même qui m'a baisé tendrement en un long soulagement d'amicales et chastes retrouvailles. Deux amis heureux de se revoir. Toi, certaine de ta séduction sur moi et ravie de cette emprise. Moi, vainement satisfait de la félicité que je procure et de la perception qu'on peut avoir de mon orgueilleuse intensité. Deux amis, vraiment. Bien sûr, personne n'était réellement dupe de cette amitié ni de ses intentions mais il s'agissait davantage d'aiguiser notre esprit que de véritablement mettre nos sens en branle. Le charme, l'attirance ne seraient qu'intellectuels. Rien ne devait percer de notre humide excitation.
Nous avons presque tenu promesse.
La nuit qui s'avançait et la musique qui nous appelait ont fait chanceler notre décision puis l'ont rendue ténue et cette atténuation enfin a eu raison de nos raisons. Du reste, ce n'était pas une décision. Une décision de principe, peut-être, mais s'il avait fallu réfléchir, la formuler, il y aurait eu hésitation, tergiversation. Ce n'était pas une délibération. Il n'y a eu ni fêlure, ni faille, ni fissure, rien qui puisse préalablement révéler une vulnérabilité. Il n'y a eu ni instabilité, ni incertitude. Il y a eu révélation.
Le déchainement alors a été total. C'est-à-dire précisément totalitaire. Les chaines qui nous contenaient jusque là, qui retenaient nos bras, nos bouches, qui nous interdisaient de nous fracasser l'un contre l'autre, ces chaines se sont dissoutes ainsi que se dissolvent dans le temps les certitudes. Elles se sont pulvérisées après un long temps mais soudainement, instantanément. Le travestissement en violence physique a explosé. Les vêtements ont été soufflés. La peau s'est collée à la peau et se tordait sous les doigts, s'écrasait sous les poings. Les stigmates devaient s'évanouir, ainsi que les empreintes évanescentes, dès l'étreinte achevée.
Le déchirement de ma chair sous tes dents blanches et régulières comme les marques qu'elles y laissent est une sensation oubliée. Par négligence.
par Solal
À L. et J. premiers reflets de ces amours qui ont tout fait pour dissiper la nuit.
Elle est soumise et indomptable
Elle dit Non Là Maintenant
Elle est tout contre par principe les principes
Bâtarde
Elle s'en tape
Elle se fond cependant dans de musicales amours autrefois prometteuses
Elle effleure d'un souffle frais le corps qui feint l'indifférence
Soixante-huitarde
Elle se met nue
Elle attend que le corps se mette à nu
Elle ne prie pas
Vantarde
Elle crie
Elle est Princesse aux yeux du corps
Elle est vierge folle et vierge sage
Hagarde
Elle rythme la danse du Léviathan
Elle embrasse la Pléiade des Dionysos
Elle ne s'arrête pas pour à ses lèvres livrer l'ambroisie
Soiffarde
Elle danse donc le tango
Elle danse aussi le flamenco
Elle danse danse danse danse
En cuissardes
Elle entraine le corps qui croit ne pas la voir
Elle observe celui qui va la soulever
Elle est l'amazone qui va le chevaucher
À la hussarde
Elle sait invertir
Elle respire
Elle ne veut pas finir
Cabocharde
Elle est sensualité
Elle est impudicité
Elle est immoralité
Clocharde
Elle dit que le corps l'aime plus que tout
Elle dit hier
Elle dit demain
Bavarde
Elle vit de souvenirs plantureux
Elle somnole de rêves somptueux
Elle lance des projets généreux
Richarde
Elle aime la rondeur d'une fraiche Vénus
Elle admire la lippe fondante sous la Gitane
Elle vénère le buisson deviné dans l'eau salée
Cumularde
Elle demande l'abolition des ans qui des ans sont les tueurs
Elle appelle le fils de l'homme séculaire novice
Elle exige que le corps délaisse l'abandon
Gueularde
Elle montre la saveur encore blanche de son ivoire
Elle suggère le cristal du désordre adamantin
Elle s'amuse du vert mépris des assis
Rigolarde
Elle a le poing levé dans le monde couché
Elle a couché le corps sur le drap rouge et noir
Elle goute la semaine sanglante d'une insurrectionnelle vie
Communarde
Elle incarne l'altière attitude d'indifférence chaude
Elle fait glisser sa courte jupe dans l'humide émanation de l'été
Elle lève l'auriculaire de la main droite qui tient la flute
Salonnarde
Elle roule dans l'herbe d'une prairie de Floréal
Elle fixe aux cheveux du corps le pétale incompris
Elle se pend tête en bas à la branche sauvage du pommier
Campagnarde
Elle remise les escarpins de vair
Elle aiguise les croquenots de l'autre siècle
Elle fuit l'aval et prend le mont sac au dos
Montagnarde
Elle feuillette Sade et Toulouse-Lautrec
Elle pose devant la chambre noire sans suggérer
Elle sourit à Falstaff lui promettant ses yeux
Paillarde
Elle s'emplit de "la gourde vide du sens de la vie"
Elle s'étourdit des ineptes tours de la déraison
Elle s'enivre du baiser qu'absent je lui donne
Gaillarde
par Solal
Faisons passer les ans, les ans, pendant que tu es endormie et quand il y a vraiment dedans, dans le profond et dans ce puits, tout ce grand archipel de vent et tout ce vide et pas un bruit, une voix se fait chair et tendre à fendre le son de tes sons.
Comme une fille, on pourrait prendre le son de son accordéon avec un piano, du whisky, un peu de jazz et tout est fait. On s'en étonne car rien n'est dit : un peu d'amour, même pas du vrai.
Non pas blasé. Désabusé. Je vogue en vagues vague à l'âme. Je pense au passé, les années passées au feu de grandes flammes. C'est bien de l'illusion d'aimer qu'arrivent alors les plus grands drames.
Faisons passer les ans, les ans et à tout prendre, prenons le temps dans le profond et dans le puits d'aller cueillir là-bas le gui.
Faisons passer les ans, les ans, pendant que tu es endormie car il y a vraiment dedans, dans le profond et dans ce puits tout ce grand archipel du temps
Car j'ai beaucoup servi.
par Zachs
Il souhaite Bonjour à une amie
Il vit ce jour avec passion
Il vit ce jour avec envie
Il ouvre une bouteille de Corton
Au féminin il veut parler
Et ses envies pareillement
Alors il souhaite Bonne journée
Et c'est la fin évidemment.
par Stéphane Olivier
Même si ça se répète, ça reste troublant.
Je caresserai ta peau blanche, réfléchissante. Je m'y contemplerai, réfléchissant.
Le temps me lasse. Tout ton linge est en lin. Tout le mien est en nage.
Le temps nous enlace. L'un contre l'autre.
Des vomissures suinteront des gerçures paradoxales dans tes drapeaux d'envie. Et l'antre qui enfle.
Même si c'est notre lot, comme cela reste poignant.
C'est lent, notre vie.
Je prends place.
Tout me sera vu. Voyons : je te verrai qui caches tes espoirs perdus, tes envies tues, désespérées, tes désirs cachés.
L'eau me glace.
Tu n'as rien à cacher mais ne veux pas que ça se sache. Quand le plateau s'éteindra, je t'emmènerai dans cette maison vide du silence. Tu te placeras à l'envers, toi, dans le froid, moi, dans l'effroi.
Aux allures de nervi, je suis là, dans tes bras, las, à ne savoir que faire ni que voir ni que boire, asservi : cheval couché, fourbu, amouraché, foudroyé, amoché qui hennit sur la scène nue.
C'est peut-être une façon de quitter que de laisser partir.
J'aurais voulu être superficiel et frivole.
par Solal
Une soupe,
L'eau du bain,
Une caresse,
Un discours,
...mais pas la vie.
par Pénélope
Le périple aura été long, sinueux, accidenté, jalonné de zones d'ombre, de doutes et d'incertitudes dans ce paysage menaçant digne des grandes conquêtes.
De la grotte des Bêtes à la baie des Cochons,
De la Roche Percée à la pointe du Diable,
De la mer Morte au Grand lac des Esclaves,
Du Trou de l'Enfer à la caverne des Horreurs,
Géomorphologie d'une vie, géographie d'instants,
Une traversée du désert, fertile... Je tutoie ce matin, des embruns plein la tête, le Pacifique !
par Xéna
Romane
Ta voix au téléphone au presque réveil, elle console quand même, de ne pas te voir. Ne pas te voir.
Tu me disais : Tu m’as manqué ; j’aurais vraiment aimé te parler. Je t’ai senti en moi toute la soirée et ce matin vers cinq heures, une petite douleur du côté de la cuisse gauche s’est réveillée. Non, tu ne me faisais pas mal, hier après-midi, en t’appuyant là. Mais, ce matin, mon corps se rappelle ton poids et j’adore ça.
Tu me disais : Danielle m’a appelée, hier. Beaucoup de choses troublantes (mais elle me connait bien) : je te raconterai. À propos de toi, la carte de l’Amour, à chaque fois, à la coupe…
Mais quelle horreur d’avoir eu à raccrocher, à te quitter encore, au milieu d’une phrase sans savoir si je m’étais fait comprendre véritablement. Peut-être l’écrit sera-t-il plus clair et surtout je finirai ma phrase : je vis notre relation sans que cela ne concerne personne autour de moi : pas de femme, pas d’enfant. Je suis donc nécessairement plus libre que toi et cette liberté fait que je n’ai pas les craintes qui sont les tiennes, que je suis entièrement dans cette relation exclusive. Tes craintes, dont tu viens de me parler au téléphone, sous-entendent que ce qui me séduit en toi, c’est justement ton indisponibilité, c’est que, comme un enfant, je veux le jouet – pardonne-moi cette image, mais tu la comprends puisque c’est la tienne - pour, sans le savoir encore, l’enfermer dans ma chambre.
Tu crois que tous les enfants sont pareils et moi, je sais le contraire.
Tu m’as effectivement déjà parlé de tout ça par littérature interposée : les contes s’arrêtent au moment où le bonheur arrive enfin dans l’histoire d’amour : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ». Ce qui signifierait que les obstacles enfin franchis, les sorts de la sorcière enfin maitrisés, les plans de la marâtre enfin déjoués, les amants se font chier et le conte - donc l’histoire - s’arrête.
(J’ai ton odeur sur les mains, c’est très agréable. J’ai repensé, cette nuit, à ton refus de te laver, hier, à cette volonté de rentrer chez toi, comme ça, avec les risques que ça comportait. Et je me suis levé avec l’envie de lire la définition du mot « stupre » - un mot que j’adore, on dirait une onomatopée - du Grand Robert. Définition décevante, trop morale.)
Cette histoire de conte est bien triste mais en même temps, bien rassurante : « c’est comme ça, je n’y peux rien, quand il n’y a plus d’entrave à l’amour, quand il devient possible, on s’emmerde. » Il faudrait donc, le plus longtemps possible, s’inventer des obstacles, des sorcières et des marâtres, devenir maitre ès artifices.
Pourquoi pas ?
Parce que, dans ce cas-là, il faut reconnaitre que ce sont des artifices - et reconnaitre pleinement - et par là même, savoir qu’avec le temps l’histoire d’amour et peut-être l’amour deviennent artificiels. Je comprends que cela puisse être séduisant et que d’aucuns s’en arrangent.
Je préfère une autre interprétation, empruntée elle aussi à la littérature.
La voici :
Si les écrivains du XIXème siècle aimaient conclure leurs romans par des mariages, ce n’était pas pour protéger l’histoire d’amour d’un ennui matrimonial. Non, c’était pour la protéger du coït.
Les grandes histoires d’amour européennes se déroulent dans un espace extra-coïtal : l’histoire de la Princesse de Clèves ; celle de Paul et Virginie, le roman de Florentin dont le héros, Dominique, aime toute sa vie une seule femme qu’il n’embrasse jamais, et bien sûr l’histoire de Werther, et celle de Victoria de Hansun, et celle de Pierre et Luce, ces personnages de Romain Rolland qui ont fait pleurer en leur temps les lectrices de l’Europe entière. Dans l’Idiot , Dostoïevski a laissé Nastassia Philippovna coucher avec le premier marchand venu, mais quand il s’est agi de passion véritable, c’est-à-dire quand Nastassia s’est trouvée entre le Prince Mychkine et Rogogine, leurs sexes se sont dissouts dans les trois grands cœurs comme des morceaux de sucre dans trois tasses de thé. L’amour d’Anna Karénine et de Vronski a pris fin avec leur premier acte sexuel, il n’a plus été que sa décrépitude et nous ne savons même pas pourquoi : faisaient-ils si lamentablement l’amour ? ou s’aimaient-ils au contraire avec tant de panache que la puissance de leur volupté fit naitre en eux le sentiment de pécher ?
Quelle que soit la réponse nous parvenons toujours à la même conclusion : après l’amour coïtal, il n’y avait plus de grand amour, et il ne pouvait plus y en avoir. (Milan Kundera, L’Immortalité)
C’est de la littérature, bien sûr. Mais elle dit que ce n’est pas l’absence d’obstacle qui rend l’amour chiant, mais le sexe.
Alors, si tu veux, j’écris à Kundera - il habite Paris - pour lui raconter une histoire d’amour du début du XXIème siècle qui montrerait qu’après l’amour pré-coïtal, il y a plus d’amour encore.
Romane, si j’avais des craintes, ce ne serait pas celles que nous nous trompions. C’en serait plutôt une, seule ; celle de ne pas avoir le temps.
Bien sûr, ça a l’air d’une lettre qui se veut rassurante. Mais elle ne veut rien. Trois pages pour rien.
Mais je ne savais pas écrire simplement :
Je te veux Très vite
Je t’aime
Samuel.
par Samuel
Galet je pars ma muse
Galets épars je m'use
Évanescente
Éblouissante
Galet je m'use à part
Galet la muse de l'art
Incandescente
Et indécente.
par Stéphane Olivier
Quelques années auparavant, il avait passé une belle soirée. De ces moments qui frappent une vie et qui changent la couleur du jour. Le lendemain, il avait raconté cette rencontre dans un texte pour que le souvenir ne disparaisse pas. Il en a écrit une version plus courte qui a été publiée plus bas. Cette soirée, c'est celle de la femme qui ne se souvient pas.
Ce soir, il est invité chez des amis. En arrivant, il salue quelques convives. Devant le regard troublé de la troisième, il demande ingénument : "On se connait, non ?" Il voit à ces yeux étonnés que oui et il entend derrière lui : "Mais enfin, Zacks… C'est Anne !"
Oui. Anne. Il a oublié son nom. Ce qui l'étonne, c'est que, d'un seul coup, il se rend compte que son souvenir l'a trahi. Ce qui le désole, c'est que la réalité du souvenir est moins belle que le souvenir lui-même, là, devant lui. Il ne se souvient pas de son nom et à peine de son visage. Ce soir, dans la tristesse soudaine d'un souvenir magnifié, dans la joie lente d'une festive soirée, il est inconsolable et gai. Roseau pensant, il s'est égaré dans l'idéalisation, dans l'esthétisation d'une relation absurde. Anne est partie prendre un verre. Il veut la rejoindre et lui dire : "Excuse-moi." Il veut la rejoindre et lui murmurer :
"Que n'aurions-nous fait sans ce temps, ces ans qui s'étalent obstinément trainant dans la cendre épaisse des tiges que vous consumez obscurément tout en posant en Callipyge ? Restez. Laissez votre main obscène. Rien ne me désoblige. Restez. Laissez vos yeux posés sur les miens. Restons sur la scène. Allongez ici votre sein que je m'y nourrisse avant que les années embarquées sur cet étrange blin ne s'entassent confusément."
Il la regarde boire son verre et laisse disparaitre un souvenir inventé.
par Zacks
Du matin au soir tu nous éclaires
Le soir quand tu vas te coucher on se couche aussi
Le matin tu te lèves, on se lève aussi
On vit en fonction de toi
Tu fais le jour dans nos vies
par Luca (13 ans)
Je me réveille. Elle est là, à côté de moi. Et je n'en veux plus comme on ne veut plus de la fin de sa pitance.
Quel est cet étonnant sentiment, ce sentiment claquant, ce cri d'antan ?
C'est grand, cette distance qui me sépare d'elle, maintenant. C'est grand.
Cette absence incarnée à mes côtés, elle est étrange.
Elle est étrange, cette bouche qui dort, que je ne peux plus regarder qu'avec indifférence, que je ne regarderai plus sans indécence.
Ils sont étranges, ces yeux fermés, que je voudrais ne jamais voir s'ouvrir. Ils sont étrangers.
Ils vont s'ouvrir et je devrai les regarder.
Elle va s'ouvrir, cette bouche, tout à l'heure et je devrai entendre les mots qui s'en déversent, qui tergiversent.
Je devrai entendre tout à l'heure, je devrai regarder ce que je ne veux plus entendre, ce que je ne veux plus regarder. Alors je vais jouer à entendre ces mots et à regarder ses yeux et je vais sourire et je vais faire semblant, suppliant, mais je vais hésiter et je vais m'irriter. Je devrais prendre dans mes bras ce corps que je ne veux plus prendre dans mes bras.
Combien de temps cela durera ?
Je devrai embrasser ces lèvres que je ne veux pas embrasser, ces lèvres sèches qui se tendent sèchement.
Je devrai faire semblant.
Pendant combien de temps ?
Je préfère, maintenant, je préfère à cet instant un autre corps ou pas de corps du tout, pas ce corps-là, pas ce corps qui me regarde, pas ce corps qui me parle, pas ce corps-à-corps.
Je préfère, maintenant, je préfère à cet instant d'autres corps. Des corps qui se tendent, qui s'étendent, qui me tendent, qui se collent et qui collent, qui me collent, qui s'étirent, que je tire dans ces draps que l'absence inonde et que l'amour fuit.
Elle est là, à côté de moi. Et je ne veux plus.
Que faire de ce chaos ?
Je ne choisirai pas
Je ne prendrai pas l'initiative
Je laisserai aller à vau-l'eau
Je laisserai faire l'inoffensive
Je laisserai pourrir, je laisserai partir - pas repartir
Je laisserai mourir cet amour
Et puis j'en laisserai mourir l'absence
par Solal
- À cinq heures ce matin, j'ai su que je ne m'endormirais pas. Pourquoi ce silence hier ? Tu es parti très vite et je n'ai pas compris pourquoi. J'étais morose. On a passé un après-midi bizarre sans véritables moments de tranquillité dans une tension quasi permanente. Tu as donc décidé de partir. Pour ralentir ? M'assujettir ? Je me suis tout de suite sentie abattue, combattue. La porte de l’ascenseur fermée sur toi, je n’arrivais pas à quitter le palier. Je n'ai pas cherché à te retenir. Je n'ai pas cherché à me mentir. Tu étais parti depuis quelques minutes quand je me suis mise à ressentir un manque énorme ; j'ai voulu me précipiter sur mon téléphone. J'ai voulu entendre ta voix. Mais non. Tu étais inaudible. J'avais oublié de te rendre le portable. Et tu ne me l'as pas demandé. L’as-tu oublié ? Ou n’as-tu pas osé me le réclamer ? Ou me l'as-tu laissé délibérément ? Je n'ai pu penser qu’à toi que je ne pouvais plus atteindre. Je suis allée me coucher tôt pour me défatiguer, pour m'irriguer, pour tenter d’être. Plus gaie, plus fraiche aujourd’hui pour toi. Mais il est difficile d’être détendue, de dormir quand on attend, se tourmentant. J'ai espéré toute la soirée. Toute la nuit j'ai attendu. Voilà ce qui tourne dans ma tête depuis hier soir. Peut-être n’as-tu pas perçu cet aspect de moi : je suis inquiète terriblement et très vite déstabilisée, dévastée. Ou peut-être l’as-tu perçu et as-tu voulu en jouer. Ton arrivée dans ma vie me bouleverse exactement comme je l'ai prévu. Je me sens souvent galvanisée par cet amour mais je me sens aussi vulnérable, coupable, pas capable. Tu sais déjà tout ça. Mais puisque tu le sais, qu’as-tu voulu me faire percevoir hier soir, comprendre ou désapprendre ? La vie avec toi est une renaissance, une jouissance, enfin ! Je voudrais me coller à toi, me fondre en toi. Je suis pressée à toi. Pressée de te revoir, de te parler, de te toucher. Je veux que tu me prennes et m'enlaces et me serres et m'étrangles en mon étrange amour. Que tu m'inondes. Que tu me fasses des enfants dans le désordre des cris et des prières. Je t'en prie. Je veux.
- Ce monsieur jovial et réjouissant qui nous a abordés cet après-midi avec un singulier costume, une prononciation hasardeuse et un franc sourire, d’où venait-il ? En repassant, au retour, dans la ruelle où nous l'avons rencontré, la sensation de son absence était prégnante. L'absence d'un ange iconoclaste. Singulièrement, ta lettre et les inquiétudes qu’elle relate montrent que les mots, les miens, ne te rassurent pas tant que cela. Tes craintes t'ont fait douter. On pourrait remettre longtemps en cause les raisons de ces craintes, les anéantir. Ce ne serait encore ici que des mots. Ce soir, au téléphone, tu parlais de la tendresse de ton mari et tout à coup tu as eu peur que cela m’ennuie. Et je t'aime aussi pour cela : cette confiance, cette innocence. Dans Mauvais Sang de Carax, Lise écrit à Alex : Quand une fille écarte les jambes, ce ne sont que des secrets qui s'envolent comme des papillons. C'est pour ça que j'attends. C'est pour ça que je ne prends pas tout de suite. Tu as parlé d'extase, cette ambigüité de magnifique joie et d'égarement splendide de l'esprit. Comme si la joie nécessitait la perte de l'esprit. Je rêve d'une extase simultanément physique et spirituelle. Tu te souviens de la Peau de chagrin de Balzac : À chaque vouloir je décroitrai comme tes jours. Me veux-tu ? Je te veux, oui. Mais l'amour, c'est l'anti Peau de chagrin. Je te veux, oui. Mais à chaque vouloir, l'amour croît et gonfle. Croît comme ma chair contre ta peau. Et on croit que toujours ça va durer. Que toujours on durera. Alors que toujours tout finit et que toujours on recommence. Alors que jamais ça ne dure : tu m'oublieras comme on change d'idée, comme on change d'avis, comme on change de vie.
Alors serre-moi.
par Zacks
Qu'est-ce que tu fais là, toi ?
La question claque aux oreilles au petit matin. Il est allongé dans le lit. Laure vient de se réveiller, surprise de se voir accompagnée. Elle se rendort. Pas lui.
Il est arrivé la veille pour diner. Quelques invités déjà dans la piscine. Les verres succèdent aux verres. Les roulées de main en main et la pop anglaise trahissent la juvénilité des convives.
Il plonge. Le soleil disparait derrière le clocher. Ses rayons chauffent encore l'eau du bassin, les peaux qui s'y baignent. Elle plonge. Le temps de sa baignade, elle évite de l'approcher. Il en est simultanément déçu et soulagé.
J'ai envie de danser, lance-t-elle avant de mettre en marche son i-pod et de s'exécuter. Il s'allonge dans un transat et la regarde. Des bouteilles que des filles attrapent pour quelques resucées fleurissent le bord de l'eau.
J'ai froid, dit-elle.
Sors, alors.
Elle lui répond oui mais reste immobile.
Y'a rien à boire ?
Il lui apporte une serviette.
Elle s'habille et commence à danser avec Esther. Lui se lève pour rejoindre la table mais il croise le regard de Laure qui l'arrête.
Leurs corps alors se collent doucement. Elle l'embrasse. La danse dure. Dure sa folie. Les bouteilles à nouveau se vident. Laure peine à garder l'équilibre fragile du sol qui s'échappe. Elle l'enlace. Il la porte, ses bras autour de son cou.
Tiens-moi. Retiens-moi.
Je suis là.
Langoureux, les baisers se passionnent et, comme seuls, les deux amants descendent dans la maison. Personne ne les a vus ?
Personne ne veut les voir. Ils s'allongent sur le lit. La grande fenêtre ouverte laisse l'air de la nuit rafraichir les deux corps exaltés. Les baisers sur le ventre toujours fascinant des femmes ; les baisers profonds ; la délicatesse et la lenteur de corps qui se cherchent encore ; qui se trouvent finalement : tout est lent, évident, déterminé.
Qu'est-ce que tu fais là, toi ?
Laure a répété ces mots perdus les yeux fermés. Puis s'assoit, prend une cigarette.
Donne m'en une.
Je vais me recoucher. Tu viens.
Elle disparait derrière la porte de la chambre.
Et lui, qu'est-ce qu'il fait là ?
par Zacks
Ainsi vous revenez comme aux champs l'on revient. Et nous vous reprendrons comme on reprend le chant. Mais beaucoup vous parlez. Vous bavardez souvent pensant parler vraiment. Salubres allégresses, vos insultes, vos cris grossissent tant vos gorges et tendent vos deux lèvres. Quelle est cette tristesse ?
Approchez-vous ici.
Si vides les bouteilles ! Disparue la fumée ! Les rêves sont d'airain. Relevez bien le sein. Placez-vous aux abords, dans le creux, à jardin, tout contre le décor : on n'y voit pas si mal. Pas si bad. Et Sinbad le marin, quant à lui, aujourd'hui ne voit rien. Mais tout vous sera vu, vous le verrez très bien. Il faut rester dedans, il faut rester serein. Vous la verrez qui pleure, la chère camarade, pleure l'espoir perdu scrutant les désespoirs, sondant sa chaire noire, suppliant la camarde. Lorsque le grand plateau sur nous s'obscurcira, emmenez-la au loin. Puis ramenez-la nous. Tenez-la par la main. Tirez-la par le cou. Car vous arriverez dans cette maison vide, en un monde archaïque où l'ami se taira - enfin amis muets, heureux les aphasiques - où les amies se vident. Que pourraient-ils bien dire ? Pourraient-ils s'accomplir ?
Vous passerez la main dans ses cheveux trop longs. Elle passera la main dans vos cheveux féconds. Ses espoirs, oui, c'est vous. Elle vous verra là guetter son désespoir. Elle vous a pleurées sur ce plateau si noir. C'était encor trop tard. Sa douleur enfoncée et ses reins se révoltent. Elle s'atterre là, finalement sanglote, réclamant plénitude, hurlant des plis de chair, appelant l'emplissage dans l'obscène gaieté, l'obscène nudité dedans la fleur de l’âge.
Aussi vous reviendrez aux cercles de l'enfer dans un sang immortel.
Nous vous habillerons dans l'accomplissement sans cesse perpétuel.
Alors on s'aimera.
Et puis on s'oubliera.
par Solal
Je l'ai croisée ce soir au spectacle Dieu qu'elle était belle Son cou allongé dégagé par ses serpents de cheveux attachés en chignon faussement négligé aux reflets mordorés qui sentaient l'automne La couleur de ses bas identique à celle des manches qui dépassaient de son pull Un orage qui tonne Son sourire éclairant le rouge velours de son fauteuil théâtral
Mais me voilà niaisement romantique enfonçant des clichés affreusement ouverts
Je lui défoncerais bien le cul à cette conne
par Zacks
– Qui c'est c't'indien ? Il a pas l'air marrant. Le samedi, on récupère pas les meilleurs, faudrait pas oublier ça. Bon, il a pas la monnaie ? Il part en chercher. J'ai peut-être ma chance... Ah, non, ce sera pas le ronchon, cool, mais cette jolie dame. Tac ! C'est parti. Décidée, le pas est presque martial, mes roulettes me font mal, hey ho ! Molo ! Elle m'entend pas, comme tout le monde d'ailleurs. Ah mais j'ai pigé, il pleut, c'est pour ça qu'elle est pressée la petite dame. L'hiver, c'est souvent ça en région parisienne, c'est la course, quand c'est pas à cause de la flotte, c'est le froid, quand c'est pas le froid, c'est des gens pressés, « normalement » pressés, de quoi ?
Pffff....Et quand il neige, y a personne, dommage car on pourrait faire du slalom sur la poudreuse du parking, rigoler un peu à l'abri des regards ! Toujours pareil. On est les laissés pour compte de la consommation. Pourtant, tout le monde nous utilise, nous pousse, nous encastre, nous maudit, nous jette ou nous abandonne sur un terrain vague ou dans une sombre ruelle. Pas de reconnaissance, les gougeats. On leur évite des luxations, des lumbagos, des tours de reins, des machins et des douleurs et rien, pas la moindre attention. Y a que les gamins, et encore de moins en moins, qui font les cons en nous chevauchant. Et ça, on adore c'est vrai, même lorsqu'on termine contre un pare-chocs.
Ah ! Il fait meilleur à l'intérieur. Novembre, c'est atroce, toujours. Le rideau de plomb trente et un jours sur trente, la mouillasse en prime. Et nous, on est frigorifiés sous nos galeries livrées à tous les vents. Mais dans la galerie marchande, je cesse de grelotter. Au début, j'appréciais beaucoup ce lieu avec toutes ces entrées, ses lumières blanches puissantes, j'aimais bien, ça rendait novembre sympathique. Maintenant, je les tiens en horreur ces spots et ces néons. Décor de carton pâte pour adultes. Ah ! Madame s'arrête déjà ? Voyons voir, ok : pharmacie machin, produit de beauté. Dix minutes de pause. Je pique un somme quand notre cliente reprend les rênes.
En avant ! Là, à mon avis c'est recta, plus de stop avant les rayons, on file droit vers l'entrée et ses trois vigiles. Oulala ! La queue aux caisses, ce sera coton tout à l'heure avec le chargement pour la semaine. D'avance, j'en ai mal aux roulettes. Tiens, je vois qu'on est en début de mois, toute cette foule là pour dépenser plein de sous, c'en est presqu'étourdissant. Mais au final, c'est peut-être ça, s'étourdir, en prendre plein la gueule d'agression commerciale. Je sais plus qui et c'est pas essentiel d'ailleurs disait « les supermarchés, c'est les cathédrales contemporaines », comptant pour rien oui...
par Vincent Leclair (in Lakroniq)
Quoi qu'il se passe
Notre passage
Laisse une trace
par Maleenry
Et vous, nos jeunes beautés, ayez l'œil accorte et la lèvre fraîche.
Préparez les verres de Gaillac et la fumée des rêves. Rien, dans cette nuit, ne sera délicat ; ni nos mains sur vos globes ni les vôtres sur les nôtres. Ni nos pensées de vous, ni vos idées de nous.
Il s'agit d'être alertes, tendus, sur le hamac.
Il s'agit, en tous points, d'approfondir la lune offerte, le goulot serré et la blessure maniaque.
Il s'agit d'y mettre toute volupté et toutes forces. Oui, mettre ; vous prendrez le Kodak.
Nous puiserons et monterons. Nous vous montrerons. Vous vous épuiserez à nous posséder. Nous nous épuiserons à vous remonter et vous possèderons, nous en sueur, vous en lueur.
Sans cesse glisseront les caresses iliaques.
Jamais le mouvement ne restera étale. Toujours la belle étoffe assez sera brutale. Les respirations, comme en un grand cloaque, appelleront ensemble tous les sauts du ressac. Les cris trop sibyllins susurrés dans les gouffres inondés s'obscurcissent d'une épaisseur opaque.
Le baume turbide laquera les muscles orbiculaires. Il sera inutile de prier en paroles élégiaques. Seulement psalmodier le psaume sur la peau.
Tout, dans la fausse obscurité, prendra la couleur d'un sang qui jaillira pour raviver nos chairs et rendre exsangues vos roses. La fosse où nous plongerons deviendra, un moment, notre éternel tombeau. Attirés par vos autels mithriaques, nous y déchargerons les lysimaques.
Rien dans l'unique clarté n'obéira à l'œil non pareil.
Il s'agit d'écarter. Il s'agit d'élargir. Il faut se conformer. Et oser le martyre.
Car pleurer sera vain comme en vain l'on se perd.
Parler.
Et puis se taire.
par Solal
Perdu entre deux âges comme entre deux eaux, combattant inlassablement pour ne pas se laisser ramener vers sa rive trop tranquille. Épris de liberté, il veut faire la nique et frétiller encore une fois, se jeter à corps perdu en rêvant d’Océan. Tellement fragile, légèrement écaillé, il ne verra pas le filet dérivant...
Tel un poisson d’eau douce, l’adulte-ère.
par Efil
C'était agréable de recevoir ses photos de Bretagne
Le champagne
Ses photos de famille
Celle avec la grille
Ses mots
Ses textos
C'était agréable ses baisers
Comme des alizées
Ses dents contre mes dents
Un jour de ramadan
Ses lèvres contre ma bouche
Si farouches
C'était agréable qu'elle dise :
Je suis bien près de toi
J'ai tout aimé cette nuit
Tu fais bien les deux
Je me suis masturbée en pensant à toi cet après-midi
Je t'attendrai comme une pute sur le trottoir
J'ai parlé de toi très tard
On part quand
C'était agréable, oui
Et Absurde et délirant
Mais on y revient toujours
par Philémon
Il a pris H. pour ce qu'elle était et qu'il ignorait qu'elle était.
Qu'elle attende ce qu'il ne pouvait lui donner; qu'il attende ce qu'elle craignait absolument de savoir donner. Qu'ils s'étendent sur la brande.
Ils avaient de ces envies subjuguées par les craintes, ces envies comme des exuvies, de ces envies maitrisantes et débutantes, hésitantes mais provocantes qu'ils ne savaient abandonner. Des envies aliquantes. Car il ne pouvait savoir alors qu'il la voulait. Il la voulait prendre, elle, possédée et volontairement mise, dressée par une volontaire servitude, sans certitude, sans habitude mais la situation incompréhensible ne pouvait qu'être comprise de biais, situation immarcescible mais irrémissible, alors invincible.
Que craignait-elle quand elle craignait le temps passé ensemble? Ils marchaient battant l'amble.
Non, faisons-le sans, avait-elle glissé, la nonpareille, à son oreille, ses ongles vermeils crochetés à son dos nu, la chaude transparence de la sueur coulant au cou, merveille. Seule la vie en lui pouvait aimer. Il s'efforçait de l'en chasser.
Voilà l'histoire.
Elle prit le vol TO 2005 pour Québec.
Ses yeux manquèrent qui s'inquiétaient ou s'étonnaient à chaque fois qu'il avait tenté de le lui dire.
par Solal
Je t'imagine toi pensant à moi et perdue sans moi dans cet univers sans nom comme toi sans équilibre si haut et sans sextant On s'allonge dans le vert désordre On prend la pose dans le vacarme ou dans l'alarme encore présente comme une larme On veut On ne veut plus Assis sur un fauteuil rouge je te vois dans des draps rouges Je prends la gouge Je prends tes lèvres Je prends ton bièvre On va tanguant sans repère et sans âme confondant les ciels les océans On chevauche tous les tarpans On abandonne cette hélépole
Je prends la mer sans projet sans boussole
Tu viens
par Chéliel
Et si nous n'étions que l'amour que nous ne donnons pas Si l'amour que nous nous empêchons de donner n'était que notre essentielle identité Si notre identité essentielle n'était composée que de cet amour perdu cet amour fermé que nous ne pouvons donner qui ne peut pas surgir qui ne pourra plus qui aurait comme disparu Moins nous donnons d'amour plus on est perceptibles Moins nous aimons visiblement plus nous sommes nus exposés au monde près du déchirement au bord de la disparition
C'est aussi ça le tumulte de l'absence
par Chéliel
Désirée
Pas encore choyée
La maline rit
Vide elle se vide
Pleine se remplit
S'endort encore
Endort l'essence de la nuit
Peuplée de danaïdes
Me sent et me goute
Et me boit au moment d'effusion
Bien avant l'effusion
Liquide jailli d'un solide
Toujours à l'écoute
Je m'abandonne indifférent
Et juste après bien différent
Tout me porte
M'afflige et me nuit et conspire à me nuire
Pourquoi tant fuir
Tout m'apporte le souffle
Et il ventait devant ma porte
La maline vient de l'amer
Comme la mer vient en main-forte
Et vogue la galère
Toujours dans la mistoufle
De rêve en rive et d'âge en âge
En nage sans mystère
Je connais tout sur Terre
Jusqu'à l'amarrage
Si j'étais moi sans corps et sans âme
Transitée par la sienne
Tamisée par la peine
Et saisie par la flamme
Je porterais et m'éveillerais dans son sang
Et éveillerais ses sens abimés par mes sens
Sans interdit
Sans la rêver
La réveiller
La voir inouïe
Si elle était moi
Alors oui
C'est cela
par Stéphane Olivier
Songes du Soir, Espoir ?
Songes de Colère, Eclair-e ?
Songes de Tristesse, Délicatesse ?
Songes de Joie, Voie ?
Songes de Peur, Cœur ?
Songes d'Espoir, Vouloir ?
par Maleenry
- Ta mère est magnifique Elle danse comme une déesse La forme d'un désir mystique Elle semble distribuer sa grandesse Ses yeux atlantiques Un œil synoptique visant la justesse La figure altière Un peu diabolique C'est un pouvoir libertaire Carpe diem Nunc et hic disent les Latins Est-ce que je te sers un verre On dirait une fête de Sabéens En tout cas c'est un bel anniversaire Je n'avais pas vu Paul depuis longtemps Et cette musique Ta mère y chorégraphie en suspens J'adore ce titre Le geste mahométan Un élytre sur l'épaule Peux-tu me passer l'eau de Seltz C'est comme une danse persane C'est Orange Blossom Regarde Le mouvement d'un flagellum Ça s'appelle Maria Comme elle danse On dirait une balane Ses yeux brillent Je t'en offre une C'est une Gitane Son collier à pampilles qui caresse sa gorge Non franchement je la demanderais bien en mariage
- Arrête
- Tu ne veux pas que je devienne ton beau-père
- Non Pas mon beau-père Mon amant
par Chéliel
Peau au feu... peau cassée... peau en terre... peau pourrie... peau d'âne...
Tu me rends ma peau de miel... ma peau de fleur... ma peau aux roses...
par Aimée
Voyez-vous mon âme n'est qu'un songe
au néant d'un sommeil qui m'enchaîne
j'ai aperçu une ombre, au détour d'une maison
sa poitrine pointée pour décimer ma lucidité
Voyez-vous je ne suis qu'un chien attaché à quelques mots
Sans être las de ces lieux de délices
sur sa bouche luisante j'absorbe les contours
mes paumes tenues absorbées par des oxalis
Je ne devine que sa chair fraternelle ensorcelant la nuit
bête peureuse, anxieuse et si prévisible que je suis
l'ivresse de mes rêveries me rend si périssable
Voyez-vous, vois-tu
je ne suis fait que de testostérone
raisonne avec douceur le reste de mon sang
en repêchant la traîne de chimère
pour combattre les tréfonds de l'ennui
par Ladyboy
Il part rejoindre les autres restés boire et fumer
Elle sort de l'eau et s'immobilise devant lui Il hésite Ce n'est que l'incipit Dans cette nuit sans étoile il ne distingue qu'à peine sa destination Sa destinée est là comme un barrage une rage le cheveu gouttant sur des épaules blanches ses hanches Elle ne sourit pas s'avance éperdue dans un désert qu'elle feint de connaître affrontant bravement chaque reître Que va-t-elle faire Et lui inconnu dans ce monde inconnu seul et sans sol pour se tenir debout que va-t-il faire Il doit aller boire et fumer avec les autres Il est là pour ça Il veut s'efforcer de s'amuser dans la liesse générale et collective boréale et évasive idéale itérative Elle s'illumine dans le rapport personnel et particulier irréelle et effrayée sacramentelle et foudroyée C'est un lumineux malentendu fourvoyé ignoré d'eux seuls visible de tous La connaissance de cette transfiguration la subsistance de cette combustion à cet instant le troublent le trouent le tranchent d'une peur panique paniculée absurde absolue Il fait un pas en avant mais n'avance plus Le mouvement l'immobilise Elle le débaptise De grands yeux le prophétisent Elle approche et se mêle à lui Sa peau trempée vient se coller à l'huis Ils dansent Elle lance tiens-moi retiens-moi Il pense je suis là La délicatesse et la lenteur des corps cherchent frénétiquement la douceur de la tanaisie l'odeur de l'ambroisie La tristesse et la torpeur des regards alentours disparaissent Il sait qu'elle sait Les bouteilles virent sur la rive et se vident
Que sait-elle
Ils s'allongent s'enlacent se serrent deviennent douleur L'étreinte les éreinte
Que sait-elle
Ils s'épuisent Il s'enlise Hagarde elle le regarde oui lui qui a si magnifiquement tout dévasté
Que sait-elle
Ce que chacun pressent et qu'il est venu lui rappeler innocemment violemment dans l'apostasie Uniquement pour cela Il pensait l'oublier Il voulait l'ignorer Pour boire et pour fumer à la table de ceux qui s'amusaient encore dans la chaleur du vent Ou pour lui rappeler qu'on ne réussit qu'en commençant par le rêve Lui rappeler l'éventail de lady Windermere : "Dans ce monde, il n'y a que deux tragédies : la première est de ne pas obtenir ce que l'on désire. La seconde est de l'obtenir."
La seconde est la seule vraie tragédie
par Clément Grindor
L'idée, toute simple, avait été lancée par un bel esprit, libre mais meurtri, au lendemain des attentats de Charlie-Hebdo, en janvier 2015 : « On devrait tous se retrouver dans des bars à trinquer à leur mémoire et à dessiner... ». Ils sont une poignée à s'en être saisi. Sans prétention mais avec envie, le collectif informel de la Gamelle est né, armé de crayons, de gommes et de papier, pour s'amuser avec impertinence de l'actualité locale et du reste du monde.
Tout en vidant quelques flacons, ils remplissent chaque semaine la vitrine qu'ils ont investie de leurs dessins et de leur fantaisie. Une page Facebook dédiée a même été créée. « La Gamelle est pour tous, c'est un peu comme une soupe populaire. Parfois un peu épicée, parfois un peu amère, parfois roborative, parfois claire... Elle incite peut-être à la réflexion sans vouloir donner de leçons. Elle n'est là que pour sourire, elle n'a pas d'autre fonction, et ne mérite pas qu'on en fasse tout un plat ». Un an plus tard, l'aventure continue et la devise de la Gamelle est restée la même : « Venez et mangez-en tous ».
par Ernest
je dors je mords je sors en sursis
je susurre en mesure je durcis
je biopsie j'affranchis
je danse en cadence
je récompense je pense
je panse la béance
je préempte et je hante
j'indispose je dispose
je pose
je soigne l'encolure
je piqûre je clôture je rature
j'affirme je frime
je professe j'encaisse je délaisse
j'intéresse je caresse
je transperce je perce
je le confesse aussi
je pense queue
donc je suis
par Cheliel
Dans cette ville trempée d'astres infernaux au bord de l'eau on regarde Pas l'objectif Une pensée Le bol de café au petit matin mutin après le lit défait défait la nuit Plus tard il sera trop tard On l'ignore encore Un temps de folie à portée de main flotte dans la chambre On l'implore Il faut l'attendre Il faut la prendre Les doigts s'égarent S'entrechoquent les ivoires Le geste tendre à travers la caméra caresse le haut de la jambe qui dépasse du cadre renversé Le soudain sourire à travers la grille n'atteindra pas la nacre du temps à perdre Pendus au verbe étranger tendus comme deux naufragés ils marchent dans le désastre d'une délicatesse se séparent le long du quai et meurent pleins de promesses Ils l'ignorent encore Le train part Ils l'implorent D'autres vies naîtront alors loin les unes des autres mais les leurs seront présentes l'une à l'autre comme un leurre comme une jeunesse réinventée projetée à la liesse redessinée comme un parjure Le moment perdure à l'image perdue des êtres dévêtus courbatus mais combattus par l'heure implacable qui file à l'allemande qui claque aux calendes qui plaque dans les lavandes toute syntaxe et clôt en sarabande chaque spalax La recherche toujours obscure dans le bain d'espoir recommencé à jamais perd ces amants de l'autre siècle dans une débâcle désespérée
C'est fini Il faudra du temps L'amour ça prend du temps
par Elke Bauer
C'est vous. J'ai reconnu à la lumière du sourire. Il fallait que la Chute fût rejouée. Ce rendez-vous impromptu… Pardonnez-moi cette audace : elle était nécessaire. Cela ne prendra pas longtemps. Vous serez à l'heure à votre rendez-vous. Ponctuel, comme toujours. Que prenez-vous ?
Très bien. Moi aussi.
Deux vesper, s'il vous plaît.
C'est une parenthèse que vous vivez. Une parmi d'autres, parmi toutes, parmi les nôtres ; vous comprenez ? Vous ne comprendrez pas du tout et je ne saurais presque vous expliquer. En tout cas, vivez-la comme telle. Je peux vous prendre une brune ?
Merci.
C'est une épreuve qu'on n'oublie jamais, l'abandon des vertes prairies, celui des amis. Et quand on ne les abandonne pas, on le regrette aussi. C'est une douleur insupportable qu'on passe sa vie à refouler mais qui affleure sans arrêt. Le sourire que l'on arbore ne doit pas vous tromper : c'est une condamnation. Cela s'est passé et vous ne le savez pas. Procès par contumace et à huis-clos. C'est une abomination.
La maison de Laure ? Elle n'existe plus que dans les regards perdus, disparus, comme la nostalgie d'un temps que l'on n'a pas vécu.
D'ailleurs, elle ne s'appelle pas Laure : le projet est abandonné. Il n'a jamais été évoqué, soyez-en sûr. Nous n'en sommes même plus aux projets mais au Dasein pour quelques décades encore. Et être à Darmstadt ou à Sienne, maintenant ou dans dix jours, cela importe peu. C'est une question de confort thermique, rien de plus.
Vous êtes toujours sur la ligne de départ puisqu'elle est ligne d'arrivée. Vous n'avez pas bougé. Et vous êtes arrivé. Il n'y eut qu'un clignement des yeux. Tenez : je bois à votre santé. À votre réussite. Spectaculaire… Tout va bien, vous serez à l'heure. Mais d'abord, racontez-moi, je vous prie, ce qui vous est arrivé un soir rue de Jérusalem et comment vous avez réussi à ne jamais aimer.
Par Jean-Baptiste Clamence
je conceptualise je confectionne je conditionne je contribue je continue
je consomme je consume je condense je concurrence
je concède je conseille je concerte je concentre
je considère je confère je concorde je concocte
je concasse je contacte je constate
je concilie je construis je confie
je condamne
je suis con je le confesse confirmes-tu
Par Chéliel
Il la prend dans ses bras l'œil ailleurs inquiet tout prêt Passer les heures plein de bonheur au moindre heurt tout près Allongée devant elle le force à l'aimer doucement Il n'est qu'où l'ombre montre sa source À l'origine l'ours La nicotine s'enfume pour une sagine Le ventre saigne Donne m'en une Vois la lune Elle s'ouvre et se ressource et la rétine accueille la scène L'épithélium sensible La pupille s'agrandit déborde et coule Le boutre gonfle ses toiles huilées bien huilé La rive s'éloigne Les arbres s'effacent La preuve ontologique implacablement s'ironise Si le mot existe s'impose alors ce qu'il désigne ce qu'il dessine Prendre garde aux sirènes aux cyclopes Il attend Il a tant de patience Au loin s'impatientent les regards On s'approche un peu On a posé les cartes près du feu mais gardé le brûle-gueule On s'accroche aux vœux Elle dans l'obscurité d'une blancheur suave presse ses seins qu'il n'a jamais vus sous ses mains qu'elle a tendues et le retient pour goûter le vin et la blanche saveur de l'ivoire des dents Elle veut le voir Elle veut sentir Le voir mentir Le voir mourir Maintenant Si c'était maintenant la légèreté du temps C'est lui le confluent déroutant dilatant la nuit de ce mot L'image ment jusques en dedans L'oreille palpiteuse on approche encore vers le coffre qui bat ses grilles Le coffre-fort sur ses quilles Il atteint l'endocarde Elle hésite et laisse approfondir Elle a entendu le cri d'Humên celui de Turan résonner à midi sur l'océan où le silence des canges couvre monstrueusement le glissement des cotres qui assourdit sa peur et dans ce silence, elle n'avait entendu encore que leurs fadaises Lui a "vu ses yeux de fougère s'ouvrir le matin sur un monde où les battements d'ailes de l'espoir immense se distinguent à peine des autres bruits qui sont ceux de la terreur et sur ce monde, il n'avait vu encore que des yeux se fermer."
Au réveil il était minuit
À leurs montres exactement
Par Clément Grindor
"Une amie à moi me disait ces jours-ci au téléphone : Ah quelle invention que la solitude… Oui. Mais encore on peut la tenir pour un progrès sur ce silence qu'on promène avec soi parmi les gens bruyants et bavards. Ou pire : dans leur compagnie."
Aragon se lit toujours avec l'émerveillement qu'on peut avoir devant le génie ; je lis Aragon émerveillé.
"I was beat incomplete I'd been had I was sad and blue".
Madonna s'écoute avec la nostalgie terriblement eighties qu'on a devant les souvenirs de son adolescence ; j'écoute Madonna terrifié.
"Qui parle ? Mais qui vous voudrez. J'ai pris l'habitude de parler à la première personne. Pas vous ?"
Aragon m'aide à danser. Madonna m'aide à aimer. Je les rencontre régulièrement.
Penser que les mots qui disent la complexité d'une rencontre puissent être simples est naïf. Je lis, j'écoute et plaque sur ces mots l'image inconnue d'une femme inconnue.
Mais il manque un vers, une grammaire, une page, une marge. C'est là, tout près, c'est là, après ; le mot sur le bout de la langue, le mot alangui, le mot à languir, qui ne signifie pas aimer – la drôle d'idée – mais être dans ses bras, être dans ses draps, quelque chose comme ça, qui veut dire s'approcher, quelque chose qui s'en approche, qui veut dire s'écorcher ou alors se soigner, qui veut dire se brûler ou bien se réchauffer.
La page manquante a la description d'un égard, la saveur nouvelle, instantanée d'un regard. Un instant dans la marge, dans cette photo qu'on me montre et qui me regarde, dans cette image que je repousse du souvenir et qui m'attire dans sa mémoire. Le retrouver, mais effrayé de le pouvoir. Confronté à l'inévitable sans savoir lequel.
"À qui est-ce que j'essaye ainsi de donner le change ? Aux autres ou à moi-même ? Ni à eux, ni à moi. Mais à ce qui est devant nous tous, à l'inévitable."
"Yeah, you made me feel Shiny and new Like a virgin".
Naïf, je lis la Valse des adieux "comme une vierge".
Par Stéphane Olivier
C'est ce que disait le Dr Guillotin pour vanter son invention destinée à abréger les souffrances des suppliciés : l'impression d'un souffle d'air frais sur la nuque. L'image gracieuse d'un romantisme anachronique séduit encore. Son lyrisme tranche avec une réalité à laquelle il s'attache néanmoins. Présenter la décollation comme une douceur, l'horreur sous le masque de la sensualité, demande du génie. Guillotin a été un génial publicitaire : montrer l'amour et vendre la mort. Un même frisson sait avoir diverses origines. Condamner en évitant la souffrance.
C'était un philanthrope, Guillotin.
Elle a connu un philanthrope.
Il l'a séduite d'abord par son verbe qu'il avait assuré, juste, précis. Par son cynisme aussi, toujours plus mystérieux, attirant qu'une exaltation puérile, dépassée.
La vie, c'est pas drôle, lui avait-il asséné. L'amour non plus. Au début, c'est beau et puis ça devient infestation, affection, combustion. On se néglige face à l'amour, à ce qu'on aime. Pas physiquement, non. Physiquement, on met toute son énergie à éviter la négligence. On ne dira jamais assez l'énergie vitale de l'image irrésolue. On ne résout pas vraiment. On se néglige mentalement. L'infection gagne l'esprit. On s'oublie. On oublie.
Elle trouvait ça vraiment mignon, ce fatalisme adamantin, ce fatal dédain : dénigrer l'amour pour accepter de ne le vivre pas, raisonner la passion pour s'interdire de passionner la raison. Elle a voulu lui montrer qu'il avait tort. Qu'il n'était pas mort. Qu'avec elle, c'était différent Qu'il n'était pas si mécréant. Qu'ils s'étaient trouvés. Condamnés, oui, condamnés à s'aimer. Qu'ils pouvaient avoir des projets. Elle a fait ces projets. Des voyages, des paysages, l'oubli de l'âge, des baisers sous les orages, des baignades dans l'océan, des grillades avec des gens, une maison et son jardin, un miston comme un copain, des flacons pleins de parfum, des flocons sur le sapin, un odéon pour chanter bien, des accons pour s'allonger, des festons pour festoyer, un lit rond dans la carrée, des draps blancs dessus, des dessous noirs.
Alors tant pis : il lui fallait vivre. Il a dit oui.
Et un matin, elle s'est réveillée avec l'impression d'un souffle d'air frais sur la nuque.
par Cheliel
J'ai lu un bleu matin aidé par le malin son texte libertin J'ai relu beaux comme une révolte enfantine des mots devant Eros Toujours derrière les mots Eros Pas d'innocence jamais Jamais on n'est innocent L'innocence est une légende La culpabilité chassée d'Eden et Eden un pays vide bien avant l'âge christique La trentaine aussi est un mythe Les mythes sont éternels Les mythes n'ont pas d'âge Alors en cabane oui Mais une cabane libertaire En cavale oui Mais une cavale meurtrière Une prière Un repaire bouclé 32° Fahrenheit J'ai lu encore Comme on lit un confiteor Comme on peut lire un météore Et comme on pourrait lire l'or du temps de Breton : Je l'ai prise derrière les mots Je l'ai prise oui "pour un génie libre, quelque chose comme un de ces esprits de l'air que certaines pratiques de magie permettent momentanément de s'attacher, mais qu'il ne saurait être question de se soumettre."
Absolument
Par Clément Grindor (photo Grooteclaes)
Passez la pommade sur tous mes écarts, subissez mes folies et mes rêves et mes retards, je suis mal poli et je ne vous aime pas.
par Cendrio (extrait de son album "Parlez-moi de moi")
cantalou quand t'as lu quand t'as bu et puis fumé un peu à la bastière dans une lande où on se voit lui et elle brûler de l'herbe et puis fumer un peu devant les flammes voir ce qui s'y cache derrière en s'allongeant un peu derrière en t'allongeant un peu derrière la fumée un bruit de lande de landerneau et de cantal la bouche envahie de fumée de vin fumé et d'existence endolorie de maison vide ensoleillée de sa présence enfouie dans le lamier pourpre la lame propre à détruire dans le lamier des champs à couper on a les craintes jamais les envies les présentations ne sont pas innocentes avec le loir à tête penchée aux yeux pansés agapes envoyées il faut penser il faut crépir au salers un b.d.p. ensuite ne se refuse pas on peut danser danser dans ce regard ce regard on le laisse pas partir comme ça ça dure longtemps longtemps on vide les bouteilles les paquets de cigarettes on dort à peine on peine à garder l'équilibre on s'enlace on tombe en trombe accordéon flacon nouveau on ouvre au soleil on ouvre les yeux on perd
on part
par Cheliel
Se libérer
S’amuser, réfléchir, composer
Ancrer, impliquer, divulguer
Verbaliser, se relaxer, disserter
Notifier, s’immiscer, recenser
Ressasser, régénérer, formaliser
Affecter, méditer, moduler
Expurger, s’impliquer, braver
Subjuguer
Transmettre
par Maleenry
Libre, jeune, audacieuse, volontaire, boulimique de vie, et pourtant… Le verdict, telle une figure imposée, est tombé au matin des 32. Neuf chefs d’inculpation ont été retenus contre la prévenue. Les accusations sont accablantes :
Rejet des diktats sociétaux, provocation et incitation à la réflexion d’autrui, mise en danger du modèle unique, non-participation au maintien du taux de natalité, tentatives de complots, atteintes aux statistiques nuptiales nationales, pratique d’actes libertaires, instabilité du cours de la vie, non-contribution à l’effort de construction et mise en péril du secteur du BTP…
Et la présomption d’innocence dans tout ça ?
Le mobile est pourtant limpide et légitime pour celui qui SUR-vit chaque minute et se tient délibérément éloigné de l’emballement schématique de la trentaine.
Encore 365 jours de cabane sociétale jusqu’à la prochaine peine… Celle de l’âge christique ?
par Boucle d'Or
Et dire que je voulais juste une gaufre...
Par Lila
Tombées de l’arbre par anticipation
Abîmées de l’intérieur mais pas encore trop mures
Pour avoir le plaisir d’être croquées, il suffira d'être ramassées
Car une fois le vers ôté, nous pourrons être, de nouveau, consommées
A feu doux, fondre et laisser sous la langue un goût acidulé
Si l’appétit vous guide….
Par Hédène De Lève
Souris mon Chat, c'est la rentrée !
Par nostalgie tu agiteras sur ton écran tes souvenirs de vacances...
Moi je les aurais volontiers recouverts de blanc...
Par Thébaïde
Sa mère Odette (née Gropiet) et son père Honoré (né Aupeladessus) en avaient beaucoup rêvé quand il était petit. Au moment de choisir son orientation - entre mardi et jeudi - ses parents évoquèrent pour lui cette voie royale : poseur de phrases en gros. Un beau métier qui se pratiquait au sec et au chaud. Mieux que livreur de lettres en tout cas. Mais ils n'avaient pas les moyens, alors ils passèrent à autre chose.
Fabriquant de triangles en retraite, Honoré ne disposait que d’une maigre pension et Odette n’avait jamais cotisé de sa vie… c’est dire. La vente du stock de triangles à un grossiste en grosses caisses avait tout juste permis d’acheter le minuscule pavillon dans lequel se serraient Norbert et ses parents, modeste masure dans la banlieue de Pisse-sous-Paillasson ; au demeurant une charmante localité située au bord de la Cassecouille, si poissonneuse entre le 12 juin à 8 h 50 et le 2 juillet à 23 h 58, et grenouilleuse à souhait chaque jeudi entre 12 h 15 et 12 h 20. La cuisine était si exiguë qu’à l’heure de la soupe le père prenait place dans le couloir et Norbert s’asseyait dans les WC qui donnaient bizarrement sur l’évier (par-devant) et la réserve à charbon (par-derrière). “ Mémère” ( ainsi appelaient affectueusement Odette les hommes de la maison, plus rarement “grosse Mémère” et jamais “ prout-prout mémère” et encore moins “ chiquenaude coucoulevé prout-prout mémère”, mais un Noël sur deux Norbert pouvait lui souffler à l’oreille : “ ribouldingue-bistrouille-mémère”… son père n’en sut jamais rien), “Mémère” donc - puisque nous ne sommes pas à Noël et que de toute façon le bon Noël est l’année prochaine - , “Mémère” plaçait une fesse sur la baignoire. Une fois, ils l’avaient remplie d’eau et avaient mangé des sandwiches au jambon avec cornichons, pour voir si un pique-nique au bord d’un étang était aussi épatant que l’affirmait l’oncle Samuel, juif par son cousin germain. L’expérience faite, Honoré rota et conclut : « Tout ça c’est connerie et compagnie, encore heureux qu’on n’ait pas de douche, parce qu’en plus on aurait pris une ondée sur la gueule ».
Mais il nous faut conclure, nous sommes jeudi et la pendule vient de sonner 12 h 09, soit 1209 coups de gong façon Westminster.
Norbert Aupeladessus n’ayant pas pu suivre les études requises, il devint tailleur de brosse à dents chez un éleveur de l’ouest qui organisait chaque année la pittoresque transhumance du dentifrice dans le massif des Molaires (au fond du couloir à gauche). Norbert ne fut jamais cet homme d’avenir qu’il aurait aimé être : un homme de main (ou même d’après-demain) car, ainsi que nous l’avons dit il était très pauvre et tuberculeux (tuberculeux ? On ne l’a pas dit ? Ben il l’était quand même).
Par Balthazar Forcalquier (dessin de Travis Louie)
On la boit avec délice et malice.
Pleine, elle est rangée, choyée, proposée, désirée.
Vide, elle est consignée, cassée, oubliée.
Et pourtant durant un instant, elle réveille tous mes sens : je la vois, je la touche, je l’entends (ô doux bruit !), je la sens, je la goûte.
On la boit, moment de fusion intime où mon solide assimile ce liquide, elle m’emporte…
Jetée à la mer, elle se laisse porter et voguer vers l’inconnu.
Se laisser porter vers ce mystérieux rivage, n’est-ce pas aussi ce que j’attends : se laisser porter, s’éveiller, éveiller, rencontrer, fusionner avec cet instant où tous mes sens seront animés …
Et si j’étais, moi aussi, une bouteille, à la fois fragile et solide, ce corps, cette fiole dont le breuvage transite, s’affine et cherche à éveiller mon âme et celle des autres…
Est-ce cela prendre de la bouteille ?
Par Maleenry