J'ai déjà perdu mon billet. Ça ne m'est pas arrivé souvent. Mais je l'ai mal vécu. Très mal. C'était sans aucun doute " le " billet qu'il ne fallait pas perdre, " le " billet gagnant. Je scrute, je soupçonne, je suspecte ceux qui m'entourent de s'être baissés pour ramasser ce petit bout de papier plié en deux. Car c'est sûr, il n'est pas resté par terre, emporté par le vent, au creux d'un caniveau poisseux. Quelqu'un l'a récupéré, qui se réjouit d'avance de gagner avec la chance d'un autre. La mienne, de chance.
Je le vois déjà, ce gagnant, poser pour la postérité à côté de " mon " buraliste, avec son chèque – mon chèque – géant plein de zéros et sa bouche pleine de dents rieuses. Sans le moindre scrupule. Gagner sans jouer, je crois que c'est encore pire que tout. Ce gagnant du loto-là, s'il existe, est encore moins prêt que les autres à devenir très riche. Il risque encore plus gros que les autres, ceux qui au moins ont eu " le courage " de jouer.
J'admets malgré tout que si je trouve un ticket validé pour le tirage suivant, sous la table d’un bistro, je le garde pour moi, au cas où. Mais moi, c'est pas pareil. En tant que joueur, je suis paré à l'éventualité de gagner le pactole...