Les mains en sang, il regarde le ciel et un sourire illumine son visage en sueur.
C’est une vieille habitude qui s’était imposée d’elle-même, au gré des coups de cafard et autres questionnements existentiels. D’un pas las, il rejoignait le fond de son jardin, muni d’une pelle et d’une pioche, et se mettait à creuser. Dans l’effort, il se disait que c’était sûrement le meilleur moyen de savoir ce que signifiait l’expression « toucher le fond ». Avec l’idée forte qu’il ne faisait pas cela pour puiser l’envie de vivre dans la terre nourricière, mais plutôt pour la nourrir, la terre, de son corps et de son âme, il s’enfonçait un peu plus.
Quand il piochait ainsi, c’était sans une once d’estime de soi. Il se sentait, pour toujours et à jamais, misérable poil d’ours. Poussière dans les cailloux. Il se disait que quand il serait au fond du trou, il pourrait enfin y rester, lui et ses mauvaises pensées. Et disparaître, enfin, comme par enchantement.
Jusqu’à maintenant, au bout d’une heure ou deux, ou parfois après des jours entiers, son esprit lui a toujours fait un signe. Une sorte de déclic, qui signifie que c’est le moment de remonter à la surface, que ce n’est pas cette fois qu’il restera les deux pieds dans la tombe qu’il est en train de façonner.
Alors, les mains en sang, il relève la tête, remonte, regarde le ciel et un sourire illumine son visage en sueur.