Plus jeune, je n'avais jamais eu le projet ni le désir de devenir riche. Parfois, juste, une petite envie, de ci de là, vite effacée. D'ailleurs, je ne croyais pas à toutes ces conneries de loterie nationale et de fortune fortuite. C'est arrivé un jour comme ça. J'avais une chance sur 14 millions de me mettre à jouer au loto. Et c'est arrivé. Tant et si bien que j'ai continué, en me disant qu'une même chance pouvait un jour me faire gagner. Car jouer, c'est bien. Gagner, c'est mieux. Quoique...
Je sais aussi que le jour où je gagne, je perds tout. Si je gagne, je vends mon âme au diable. Pire, à dieu. Je perds le peu d'intégrité qui m'anime. Je perds les quelques valeurs qui ont fait de moi ce que je suis. Et pourtant, je suis prêt à tenter l'expérience, à prendre le risque. Pour goûter l'indifférence, pour essayer l'oisiveté, pour tester le mépris.
En moins de trente secondes, ta vie bascule. Tu n'étais rien, tu peux le tout. Tu peux entrer dans un magasin et acheter le fonds de commerce si l'envie t'en prend. Tu peux t'asseoir à la table d'un restaurant et ne plus jamais en sortir. Tu peux acheter tout ce qui s'achète si cela te chante. Ton pouvoir est d'achat. Rien d'autre. Mais c'est déjà beaucoup.
La chance m'a saisi, le sort j'ai subi, un coup de dé, alea jacta est, arrêtez de jacter, c'est moi qui ai gagné...
14 millions. Autant d'euros que de chances de perdre...