J’en avais toujours avec moi, à portée de mains. Je la rangeais négligemment dans le tiroir du buffet de la cuisine dédié aux couverts, jetés là en vrac. Puis un jour, un compartiment à couverts a fait son apparition dans le fameux tiroir. Ma fantaisie avait disparu avec le joyeux bordel qui régnait jusqu’alors. Je l’ai cherchée, en vain, pendant des semaines, dans les boîtes à merdouilles posées aux quatre coins de la maison. J’ai farfouillé un peu partout. Un temps, j’ai même cru qu’on me l’avait volée. J’en ai retrouvé un bout dans le tiroir de la commode de ma chambre, au milieu des chaussettes dépareillées et de mes caleçons élimés.
Où que je sois, j’ai pris le parti de la chercher partout désormais. J’ai la tête en l’air, mais le regard vif. Je sens bien qu’elle peut se nicher partout. Dans un regard, au gré d’une rencontre, au coin d’une rue… Au même titre que la chance ne sourit pas à ceux qui lui font la gueule, la fantaisie ne se révèle pas à ceux qui ne veulent pas la voir.