On ne peut pas dire que je n’ai pas vu du pays. Chauffeur international pendant plus de trente ans. J’ai roulé ma bosse, traversé l’Europe de long en large. Du nord au sud, d’est en ouest. Dans ma petite cabine avec mon gros attelage, j’ai avalé les kilomètres. Combien de tours du monde ? Trop, sûrement. Combien de milliers de cigarettes ? Trop, sûrement, mon large volant entre les mains, mon levier de vitesse au bout de mes doigts jaunis.
La route, toujours la route. Et tous ces gens au bord. Combien de bourgades traversées sous les holas des enfants, à faire voler les casquettes et les robes, à éclabousser les pauvres gens en roulant dans les flaques ? J’ai aimé faire du tourisme en travaillant. Dormir ici ou là, toujours dans mon petit chez moi.
Aujourd’hui, je voyage immobile. C’est moi qui regarde passer les étrangers dans mon village. Mais je n’ai plus le droit de fumer…