En repensant à cet accident, je me dis que j’aurais pu partir en beauté. En pleine possession de mes moyens. Partir avant d’avoir gâché. Sans avoir eu le temps de trop trahir les miens, ceux qui sont tout pour moi. Quitter les lieux avant d’avoir laissé quelque chose de trop mauvais : des pensées à peine coupables, des désirs encore vivants… rien de bien méchant.
Partir sans avoir eu l’opportunité de toucher le fond, de fricoter avec mère Misère. Je n’aurais pas vraiment eu le temps de connaître la galère. Partir avant d’être déçue. Sans secret, ou si peu. On aurait pu m’enterrer avec quelques idées encore fraîches, pleines d’espoir. Avant que ne me gagne cette putain de nostalgie qui pourrit les cœurs.
Après avoir vécu assez de choses pour me faire une idée, toute petite idée, de ce qu’est le monde. En ayant eu le loisir et le plaisir de partager le peu que j’avais. En ayant pris le temps de lire un peu, de m'enivrer un peu, d’aimer un peu. Ne me dites pas que j’ai aussi raté ma mort.