J'ai le pas lourd, celui de l'ours dont la sympathique nonchalance n'est qu'apparence. Tant bien que mal, je m'évertue à digérer les petits poids de l'existence, du quotidien, de la culpabilité aussi, sans doute, de ne jamais avoir su me libérer de mes chaînes. Ce plat-là est universel, qui osera affirmer le contraire ?
Je charge, je tracte, je pousse, le joug sur les épaules. Je suis une âme bâtée. En cela j'ai le sens de la gravité, tellement cela me pèse parfois, et pas seulement sur l'estomac. La masse de mes souvenirs est là, et ralentit ma marche.
La pesanteur est têtue, et c'est aussi rassurant. On n'en a conscience que si l'on a déjà éprouvé le sentiment de l'insoutenable légèreté de l'être.