Quinze ans que nous faisions notre chemin ensemble, l'un sur l'autre pour ainsi dire. Quinze années et de belles épopées. Beaucoup de joies, quelques peines. On a vu du pays tous les deux, émerveillés d'un rien.

On a fêté ses vingt-cinq ans mais les choses avaient déjà changé. Un fossé commençait à nous séparer. Sans doute nous étions-nous connus trop jeunes. Déjà nous nous étions fait souffrir.

Alors sans vraiment m'en apercevoir, j'ai commencé à en regarder d'autres qu'elle. Ça me faisait mal de l'admettre, mais je trouvais qu'elle faisait de plus en plus rombière dans sa robe terne de bourgeoise vieillissante.

J'ai fini par la laisser sur le bord de la route, sans mesure compensatoire. Elle est partie avec un ami à moi. Je l'ai regardée s'éloigner sans sourciller. J'étais déjà sous le charme d'une jeunette de dix-neuf ans qui me faisait de l’œil, et dont les formes moins décaties étaient une promesse de sensations nouvelles. J'ai craqué et j'ai refait ma vie. Et je ne regrette pas. Pas encore.

(fermer)

• Je te regardais du coin de l’œil, ce regard moqueur que j’ai parfois ! Tu étais moche, mais moche ! Parfois je venais te remettre en forme car ton amoureux ne savait que te monter dessus sans aucune autre forme de compassion. Puis ce jour-là, lors d’une ultime grippe, celui qui te servait d’amant te laissa partir. Certes, il ne l’a pas fait facilement, mais un élixir jaune eut raison de sa Passion pour toi.
  Ce jour-là, j'ai commencé à te regarder autrement. Très vite cet œil moqueur laissa place à un œil expert. Ta robe déchirée laissa place à une nouvelle parure, tes entrailles à nu, tu n’en menais pas large. Faut dire que ton ancien cavalier ne t’emmenait plus au bal depuis bien longtemps. Aujourd'hui même si il en regarde d’autres plus jeunes et jolies, ton nouvel amant, il t’aime.
  
  cedair @ 2013-10-25 11:27:58