Ça y est, j’ai à peine gagné que je commence à faire le riche. Enfin, je veux dire, à faire le con. J’ai toujours soutenu à mes proches que le jour où je gagnerais le jack-pot, je m’exilerais une quinzaine de jours, seul avec moi-même, pour faire le point, pour essayer de voir ce que je ferais de tout ce pognon, loin de toute la « pollution » du quotidien, à l’écart de « ma » routine. Loin, très loin d’ici, dans une cabane au Canada, sur les hauteurs de Machu Picchu, dans une yourte en Mongolie… Pour faire le tri dans mes envies, dans la folie des grandeurs du nouveau riche, pour garder les pieds sur terre. J’estimais cela nécessaire, de peur de perdre le contrôle, de me laisser griser par les billets de banque, par les vapeurs de l’argent facile. Je ne sais pas ce qui s’est passé. J’essaie de me convaincre que c’est simplement parce que mes vaccins ne sont pas à jour… Toujours est-il que je n’ai pas bougé de chez moi. Je crois même que je n’ai jamais vu autant de monde défiler à la maison que depuis que je suis riche. Malgré tout, je ne me suis jamais senti aussi seul que pendant cette période là. Et pourtant, personne ne le sait que j’ai gagné. Je suis un cachottier. Si j’étais monté dans un avion dans l’heure, tout ce petit monde se serait douté de quelque-chose…