Tu m'as déjà parlé de ce matin blanc comme la nuit comme nous venions de passer. Les cœurs légers et serrés nous l'avons laissée, remis aux vents du sud et puis de l'est. C’est l'image d'un triangle, berceau d'une sensation pure, forgée par le temps, par les yeux, par les mots. Un cercle triangulaire qui relie trois êtres qui se complètent par leurs différences dans un respect mutuel et profond des deux autres. Trois individualités que la distance ne sépare pas vraiment, que le plaisir envahit à chaque rencontre forte du manque. Cette ronde à trois, elle m'est chère et chair. Elle est nôtre, à la fois diffuse et commune. Le temps la nourrit et l'attise un peu plus chaque fois. Des quatre coins du monde renaît parfois l'image de ce triangle originel. Sûrement. De cette communion géographique à chaque fois naissent de petites choses qui se font souvenirs, au gré d'une mémoire parfois trop sensible. Un dernier petit verre et au lit. Un brûle-gorge et un détraque neurone. En jouant cette soirée, nous nous tenions presque la main, sous l'emprise des autres et du vin, en lévitation circulaire au dessus d'un monde qui nous échappe. A chacun son chemin, mais nos escales seront communes et heureuses, je le sais. Je le sais parce que je nous connais. Trio d'amour respectable. Le triangle dort, mais chacun de ses trois points sait qu'il est là. C'est le sourire qui le dit, le rire dans la voix, le rire dans les yeux, les yeux dans les yeux.