Nous passions là quinze jours de vacances en famille, paisiblement installés au milieu des champs d’artichauts.
Un petit rituel s’était rapidement instauré entre mon père et mon frère qui partaient chaque après-midi se balader à pied sur le littoral tout proche. Ils passaient la dune pour marcher sur les rochers.
Là, depuis le premier jour, ils grimpaient sur un petit dolmen, et mon père, dans le vent frais, se mettait à hurler en gesticulant comme un épileptique : « Dieu, si tu existes, foudroie-moi ; vas-y , ose si t’es un homme ». Près de lui, mon frère riait comme un bossu en se tenant les côtes. Quand ils revenaient, ils nous racontaient de quelle nouvelle manière ils avaient mis dieu au défi de leur prouver son existence. Et tout le monde rigolait.
Mais le septième jour, ils ne sont pas revenus. Alors on est partis avec ma mère à leur rencontre. On les a trouvés là, morts de rire mais statufiés, calcifiés, sur ce promontoire de pierre. Pour être honnête, ils avaient l’air un peu cons mais leur posture figée laissait présager qu’ils étaient quand même fiers d’eux.
On n’a jamais su ce qu’ils avaient bien pu dire de plus que d’habitude pour mériter ce sort. Et je préfère ne pas le savoir. Depuis, tous les ans, avec maman, on vient déposer un bouquet d’artichauts au pied de leur statue.