Qu'elles sont joliment tournées les étiquettes. Qu'ils parlent bien les oenophiles au fond des caves et dans les magazines. C'est beau comme du Rimbaud. On se laisserait presque embarquer sans goûter.
Si seulement les amateurs de vins usaient d'un langage aussi fleuri pour définir les pifs dégueulasses que pour qualifier les joyaux du palais.
On aurait droit à de belles tirades sur ces boissons immondes qui ont une robe bien plus large que longue, un nez morveux comme celui d'un mioche qui joue dans la neige, le bouquet d'un jasmin crevard. Ces vins-là pourraient être bouchonnés comme le périph', coulants comme un nœud de pendu, ronds comme un écran plat, nerveux comme une limace.
Les fins connaisseurs pourraient y trouver l'arôme d'un couloir de maison de retraite, diraient que celui-ci est plein comme une lune noire, aussi généreux qu'une banque, souple comme un tréteau, charpenté comme un château de cartes... Ça aurait de la gueule. Mais ils préfèrent dire « mouais, bof... »