sagesse populaire

C’était un jeudi après-midi. J’avais les coudes enracinés dans le comptoir et je pleurais dans ma bière. Un petit homme est entré. Le teint verdâtre, les yeux jaunes, mais le visage plutôt sympathique. Il a eu du mal à se jucher sur le tabouret de bar, juste à côté de moi, mais une fois installé il a commandé une absinthe.

En attendant que l’alchimie opère au fond de son verre, il a capté mon regard. Ses yeux vitreux - il paraissait avoir au moins neuf cents ans - m’invitaient à vider mon sac de cailloux sur le zinc. Je lui ai conté mes boires et mes déboires. Quand j’ai eu fini, il m’a parlé de mecs qui marchent dans le ciel, d’autres qui déplacent des objets rien que par le pouvoir de la pensée et d’oursons guerriers, le tout dans un drôle de verbiage truffé d’hyperbate.

Je l’ai regardé terminer son breuvage. Sa dernière lampée avalée, je me suis dit, celui-là, il a les dents de sagesse qui baignent. Il s’est tourné vers moi, et m’a asséné ces mots que je n’oublierai jamais.

-Si la tête en beurre tu as, du four ne t’approche pas ! Que la force soit avec toi.

Il a recouvert ses oreilles pointues de son bonnet à cornes, m’a gratifié d’un sourire poilu, est descendu de son siège en rappel et a disparu.

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