pousse-café

Misère de poil de lapin blanc, comme disait ma grand-mère, voilà que pépé a sorti la gnôle. De celles qui vous titillent l'œsophage comme une coulée de lave, qui vous remet d'aplomb après le poulet dominical.

D'un geste lent mais sûr, il a fait sauter le bouchon de cette bouteille qui n'avait pas été ouverte depuis au moins avant-hier. Rien qu'au parfum qui s'échappe du flacon, on sait que l'entrée, salade de tomates et œufs durs, est déjà loin.

Pépé André lit dans les yeux de sa descendance l'expression non pas d'une désapprobation mais plutôt d'un trop-plein, comme si cette proposition ultime n'était peut-être pas raisonnable. Mais il s'en fout. Lui ne doute pas un instant. Il sait qu'il n'emportera ni cette bouteille de goutte à moitié pleine, ni les autres, dans sa tombe.

Alors il verse une rasade de cette eau de feu dans sa tasse où repose un fond de café tiède, en marmonnant calmement à l'adresse de tout ce petit monde qui ne tardera pas à l'accompagner : « Si vous n'en voulez pas, faut pas en dégoûter les autres... »

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