silence

C’est une drôle de machine, qu’on a l’impression d’avoir toujours connue, là, tout près de l’étau.

Il suffisait de glisser une main sous l’établi épais pour actionner l’interrupteur. Alors le hangar de tôles abritait ce feulement caractéristique, une sorte de ronron que le triphasé faisait vivre quelques longues minutes. C’était presque rassurant malgré le bruit du métal sur la pierre, malgré les étincelles. Puis le contact de la pièce sur la brosse ralentissait l’engin, et son bruit devenait plus sourd, étouffé, jusqu’à ce que la rouille ait complètement disparu. Une fois le polissage terminé, dans un nuage de fine poussière ocre qui participait au parfum de l’ancienne forge, d’une caresse on éteignait la machine. Le son qu’elle diffusait s’évaporait dans un soupir, le temps que le touret s’immobilise.

Ça fait longtemps déjà que plus personne ne s’est servi de ce truc. La machine s’est tue, et peut-être qu’on ne l’entendra plus. Il est des silences, comme celui-ci, qui sont difficiles à vivre.

silence