noir désir

Il a appris la nouvelle en voiture vers 23 heures, le lundi 28 juillet 2003. L'effet d'annonce fut des plus réussis. D'abord l'état de santé critique de Marie Trintignant, dont "les chances de survie sont infimes". Ensuite seulement l'origine de ce coma. Battue par son compagnon, Bertrand Cantat, leader du groupe Noir désir. Le choc est double : il perd d’un coup deux des siens. L'émotion est triple : tristesse, colère et compassion.

Au fond de ce tourbillon de sentiments, un soupçon de satisfaction à l'idée que ces deux êtres qu’il estime se soient trouvé l'un l'autre, comme s’ils appartenaient, eux et lui, à une même famille, une même tribu. "Notre père qui êtes aux cieux accordez-nous une heure ou deux. Danse sur le feu Maria." Rien qu'une heure ou deux de réflexion.

Ce n'était donc pas du pipeau. Lui-même, il n'avait plus grand-chose de rock'n'roll. Rien qu’à le voir, au volant de son break... Lui qui doutait parfois que Noir désir puisse être resté rock'n'roll après sa série de succès populaires, le voilà presque rassuré. Il avait bien affaire au dernier groupe de rock français, pur et dur et sans rémission. Un groupe dont le destin scelle à jamais le ressort de la tragédie. Son caractère inéluctable.

Combien de fois le portrait de cet homme avait été dressé avec la facilité des poncifs. Leader charismatique du groupe Noir désir ; écorché vif. Il a lu le lendemain matin, dans un journal, "Bertrand Cantat, le rocker de tous les excès". "Tu m'donnes le mal, le mal, c'est la spirale infernale"

Il se demande alors combien de fois cet homme avait failli basculer avant cette triste nuit. Combien de fois il était passé à deux doigts du drame, combien de fois la vie, par le plus mystérieux des hasards, si tant est que le hasard existe, lui avait épargné un tel destin avant ce moment tragique. La fragilité d'un homme ne peut pas durer. Sa force non plus. Il se sent maintenant honteux d'avoir pu éprouver ce noir désir qu'à un moment, ce groupe de rock puisse avoir usurpé son statut.

Noir désir est mort, vive le rock'n'roll.

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